Il y a des choses dans la vie qu'avec le temps deviennent des traditions. Pour moi, la Trail du Grand-Duc à la fin du mois d'octobre commence vaguement à y ressembler. Depuis le tout début de l'évènement, je n'ai manqué que la 1re édition. Cette année, l'organisation nous arrive avec un tout nouveau parcours qui se veut plus technique et avec plus de D+ que les éditions précédentes en plus de demeurer plus proche de la Rivière Jacques-Cartier.
La semaine d'avant course fut très chargée pour moi au niveau familial et au travail. Les nuits ne m'ont pas apporté la qualité de sommeil que j'aurais aimé, mais je ne me présente pas sur la ligne de départ avec des idées de podium (en réalité, j'ai jamais eu ce genre d'idée depuis mes débuts dans la course), mais bien avec l'idée de m'amuser un maximum. L'édition de 2021 m'avait permis d'accompagner mon ami Nicolas pour son 1er Ultra et cette année, nous serons encore réunis, mais cette fois pour accompagner notre ami Joffrey dans son 1er Ultra. Donc, l'idée avant tout c'est de finir la course et tout ça dans le plaisir ou du moins le plus longtemps possible dans le plaisir.
Comme l'a dit déjà dit Yannick dans son podcast (il me semble que c'est lui), une partie du plaisir d'une course se trouve aussi dans la préparation qui mène à cette dernière. Je suis d'accord avec cette idée et la préparation du matériel et de la logistique est une partie que j'affectionne particulièrement. Un bon moyen de faire évacuer un peu de stress lors de la dernière semaine où l'on cherche à diminuer son volume.
Samedi matin le 22 octobre. À peine 6h15, il fait noir et froid. Le stationnement de l'accueil du parc commence à se remplir. Nous devrions être environ 200 coureurs à prendre le départ du 50k. Je dois rejoindre mes 2 compagnons non loin de la tente de l'organisation. Tranquillement le soleil commence à se lever. Ils nous annoncent une journée ensoleillée avec une belle température pour courir. L'excitation monte de plus en plus. 7h00, le départ est donné.
Au début, il est convenu de trouver un rythme de croisière où nous sommes tous les 3 à l'aise. Nous nous dirigeons vers le nord en suivant le sentier du Draveur avec un passage par les Cascades. Les sourires sont bien présents et je suis vraiment content de pouvoir courir avec mes deux vieux amis que je ne vois plus assez souvent et avec qui je devais aller faire la Traversée des Présidentiels cet été. Après une heure, nous avons parcouru 8.5km et traversons le Pont-Banc. Le décor est magnifique et la présence de brume apporte une ambiance d'Halloween. L'étape suivante est le sentier "La Matteucie" qui se veut un "singletrack" où le technique commence.
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Rivière Jacques-Cartier |
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Sentier Matteucie |
Après 1h30 et environ 11km, nous arrivons au 1er ravito qui se trouve au pied du sentier "Des Loups". Tout se passe bien, nous sommes sur nos objectifs de temps. Un des objectifs de notre course est de faire la longue ascension des Loups et sa descente (qui passe par le sentier d'hiver) sans trop hypothéquer nos jambes. En ce qui concerne la montée tout se passe bien et nous croisons plusieurs coureurs à partir de l'intersection avec la descente. Le tout est assez encourageant. Par contre, au moment où nous quittons le point de vue du haut, c'est nous qui croisons quelques coureurs et même les fermeurs! Je ne comprends pas trop. Avons-nous pris autant de retard? Sont-ils en avance sur l'horaire? J'en glisse mots à mes 2 compagnons, mais nous ne pouvons que tenter de pousser un peu plus. La descente qui arrive devrait pouvoir nous aider un peu. Au début, c'est relativement vrai malgré le sentier bien gras, mais au bout d'un moment, ce dernier devient tellement abrupt et technique que je dois grandement diminuer ma vitesse de peur de me tordre un genou. Joffrey fait comme moi et au final, il n'y a que notre ami Nicolas qui réussit à conserver une bonne vitesse. Cette descente est vraiment l'une des pires que j'ai vue de ma vie. Heureusement, nous parvenons au ravito Sautauriski (21 km) dans un état physique et mental encore correct. Nicolas nous y attend et nous annonce qu'il commence à devoir gérer des débuts de crampes. Il va prendre un peu d'avance sur nous pendant que nous terminons notre ravitaillement.
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Ravito des Loups |
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La vue en haut des Loups |
Dans la prochaine section, nous devons emprunter le sentier Sautauriski qui longe la rivière du même nom. C'est là que nous croisons les coureurs du 18km et des visiteurs du parc. Le moral est encore bon et nous avons toujours le sourire. Surtout au moment où l'un de mes compagnons doit se pencher pour "relacer" ses souliers ou quand un jeune garçon demande à sa mère "Maman, pourquoi ils marchent eux?" alors que tous les coureurs du 18km nous dépassaient au petit jogging.
L'étape suivante est la longue montée de La Coulée vers un point de vue et ensuite le ravito à l'intersection avec le sentier de l'Escarpement. Cette montée qui n'est pas trop technique ou trop forte me permet de relancer un peu et tenter de tirer un peu le trio, mais sans vraiment de succès concluant. Arrêt photo en haut, ravito rapide (environ 15 minutes d'avance sur notre plan) et nous repartons sur le sentier bouetteux de l'Escarpement.
Les deux prochains kilomètres sont encore en montée jusqu'au belvédère qui doit nous donner une magnifique vue sur la vallée. Il y a beaucoup de monde dans le sentier et il n'est pas toujours facile d'avancer et la fatigue commence vraiment à se faire sentir de plus en plus pour moi. Au moment d'arriver au point de vue, j'ai les idées noires et des crampes intestinales. Loin de moi l'envie de m'arrêter et faire subir ma mauvaise humeur à mes compagnons. J'indique donc que je vais continuer à pousser pendant qu'eux admirent la beauté du paysage. J'aurais tout le temps de revenir un autre jour. Jusqu'au prochain ravito, le sentier est majoritairement descendant, mais je ne parviens pas à trouver l'énergie pour pousser et augmenter mon allure. Finalement, j'arrive au ravito de l'Incursion (31,8km) où je vais attendre mes amis en cherchant quelque chose à manger. Rien ne m'interpelle vraiment. Au moins, je parviens à m'isoler un peu à l'écart et à lâcher quelques gaz qui m'aident à relâcher la pression sur mes intestins.
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Joffrey à la sortie du ravito |
Les 4 prochains km sont dans le sentier de l'Incursion (fermé généralement l'été) où la circulation se fait dans les deux sens. Nous y croisons plusieurs coureurs qui sont grandement en avance sur nous, alors que notre vitesse semble vouloir que diminuer.
Nous nous engageons dans l'ascension de l'Éperon. La dernière bonne montée et nous avons tous hâte d'arriver de l'autre côté pour atteindre le prochain ravito. Mon énergie n'est pas encore de retour, mais le moral est beaucoup mieux que tantôt. C'est déjà ça de gagné.
L'Arrivée au ravito de l'Éperon nous semble une petite délivrance. Nous avons accès à notre "drop bag" pour refaire nos réserves de nourriture ainsi que changer de vêtement. Après avoir mangé un peu (vive les crêpes chaudes) et rempli nos gourdes, nous allons pouvoir partir bientôt. C'est à ce moment que les fermeurs arrivent dans le stationnement et nous annoncent que dans moins de quelques minutes, nous serons "cutt off"! Pas le temps de niaiser, il faut partir au plus vite, mais nous constatons que l'un de mes compagnons est au petit coin. Nous ramassons son matériel et lui crions de faire vite. C'est bien soulagé que nous repartons sans problème, mais au bout de quelques mètres, notre compagnon "occupé" nous annonce qu'il n'a pas refait le plein d'eau! QUOI?!?! Pas question de faire 10km sans une seule goutte d'eau. Un petit retour sur ses pas s'oblige. Heureusement, les fermeurs ne sont pas trop sévères avec lui.
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Encore un gros merci aux multiples bénévoles |
La prochaine section qui passe par le sentier du Ruisseau Caché est toute nouvelle pour moi. C'est vraiment magnifique, mais la montée au 40e km me casse un peu les jambes ainsi qu'à mes deux compagnons. Peu importe, je sers les dents et l'on continue d'avancer. 2km plus loin, nous pouvons annoncer à Joffrey qu'il est maintenant marathonien. Bravo! Lui qui n'avait jamais vraiment passé la barre des 35km. Dès ce moment, nous entamons une petite descente qui me redonne un "boost" d'énergie et je décide d'en profiter pour relancer sur les 4 prochains km. C'est vers le km 46 que les fermeurs nous rattrapent et nous annonce que le prochain et dernier ravito fermera dans un maximum de 20 minutes. Sachant que la course doit faire environ 52 ou 54km, ça veut dire que je devrais terminer les 8 prochains km avec environ 500ml d'eau. Nous sommes loin des conditions idéales sachant que nous allons en avoir pour encore facilement 1h30 de course. Comme je crois avoir encore un peu de jambes, je demande aux gars de vérifier leur réserve d'eau, car je vais tenter de rejoindre le ravito avant sa fermeture. C'est donc avec peu d'espoir que je me lance à recourir dans le sentier de l'Incursion vers ce dernier ravito. Je parviens même à avoir des pointes à 6:30m/km après plus de 47km dans les jambes. Finalement, je commencer à penser que ça peut se faire. Le paysage défile et je porte toujours mon regard au loin pour reconnaître une courbe suivie d'une pente descendante vers un petit ruisseau qui m'indiquera que je vais arriver d'ici peu. Malheureusement, j'ai peut-être mal estimé la distance et mes jambes deviennent de plus en plus lourdes. Je peine à conserver un "pace" convenable et je dois finalement revenir à une alternance marche/course. C'est quelques minutes plus tard que j'arrive dans la courte descente souhaitée, mais selon moi, il est maintenant trop tard et je suis mieux de conserver mes forces.
Tout d'un coup, quelqu'un au loin pousse un petit cri.. Hou, hou! Un peu surpris, je cri aussi... Hou, hou! Bonheur, on me répond. Je ne suis peut-être pas si loin finalement et en levant les yeux, je distingue une veste orange à quelques centaines de mètres. J'y suis! Les bénévoles ne sont peut-être pas tous partis.
Il doit être environ 16h20 et le gentil bénévole m'annonce péniblement qu'il doit me couper ici. La course est terminée pour moi et tout ceux qui sont derrière moi. Il aurait fallut passer ici il y a au moins 10 minutes pour pouvoir poursuivre sans problème. Il est vraiment navré pour moi, mais je comprends que c'est un choix de l'organisation. Il faut bien mettre une fin à la journée. Un autre coureur arrive. Son fils est déjà là à l'attendre. L'homme de 58 ans qui en est son premier Ultra est bien déterminé à poursuivre. Ils décident donc de remettre leurs dossards et de terminer les 4 derniers km sous leur propre responsabilité. Quand mes compagnons arrivent, l'annonce est comme une douche froide et le découragement se lit sur leur visage. Nous devons choisir de terminer notre course et d'aller rejoindre la route où un véhicule viendra nous chercher avec un total de 50km ou remettre notre dossard pour nous aussi poursuivre sous notre propre responsabilité. Je sais qu'il ne reste pas plus de 4km à faire sur un sentier facile à suivre et qui longe la route. Il fait encore clair, nous avons de l'éclairage avec nos cellulaires, de la nourriture et (maintenant) de l'eau, pourquoi ne pas continuer? De toute façon il semble que dans les deux cas, nous allons avoir la mention DNF (Did Not Finish) au final.
C'est donc avec un mélange de déception et de détermination que nous avons décider de poursuivre et de terminer cette course. Ces 4 derniers km se sont passés sans histoire et c'est avec une grande satisfaction que nous avons fait le tour du stationnement de l'accueil pour prendre la direction de l'arrivée en se demandant si l'arche serait encore debout pour que nous puissions prendre une photo.
À notre surprise, il y a encore des membres de l'organisation sur place ainsi que des bénévoles. Nous sommes accueillit comme si la course n'était pas terminée et nous avons droit à une médaille de finisseur ainsi qu'au repas/bière de fin de course. Voilà un baume qui fait du bien et c'est seuls que nous nous retrouvons sur le site à discuter de notre journée et en se demandant où notre plan est parti en couille.
Merci encore à l'organisation et aux multiples bénévoles pour cette magnifique journée. Personnellement, j'en suis à ma 5e participation. Il n'y aura qu'à la première édition où je n'aurais pas été présent. Avec quelques jours de recul, il semblerait qu'il faudra revenir en 2023 pour terminer ce parcours dans les temps cette fois.
Dans les prochains jours, je vais tenter de vous revenir aussi avec une petite analyse un peu plus technique de ma course et d'un plan de match possible pour 2023.
P.S. Il m'arrive souvent de mal dormir le soir d'une aussi longue course, mais cette fois ce fut un réel cauchemar. Le dimanche matin, j'étais toujours aussi fatigué et en aucun cas, je n'ai été capable de me débarrasser d'un mal de tête. Vers midi, j'ai décidé de me passer un test Covid. En moins de 2 minutes, je pouvais voir deux grosses lignes rouges. Aucun questionnement possible... j'avais contracté la Covid. Plus besoin de chercher le pourquoi de mon absence d'énergie lors de ma course... 54km covidé!!!
Belle preuve de détermination de terminer la course avec la COVID!
RépondreSupprimerMerci!
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