Mon retour sur le TUQ 2019
C'est sous
un ciel menaçant et une température fraiche que nous étions un peu plus de 30
coureurs à se présenter au Trail Urbain de Québec. Le point de
rencontre se situait à la Base de Plein-air de Ste-Foy et de là, l'organisation
nous transportait au point de départ situé aux abords du Lac
St-Charles. Le concept du TUQ consiste à courir 52km au travers de
la Ville de Québec et est combiné avec l'événement Courir 6H pour les Maladies
du Cœur (Levé de fonds).
Le
parcours se découpe en 3 sections. La première débute au Lac
St-Charles et emprunte le sentier linéaire de la Rivière St-Charles sur 32km
vers le Vieux-Québec. Dans la deuxième section, nous poursuivons par
le Port de Québec et longeons le Fleuve St-Laurent par le Boulevard Champlain jusqu’au
Pont Pierre-Laporte où nous empruntons les escaliers du Sentiers des Grèves
jusqu’à la Plage Jacques-Cartier. Finalement, la dernière section
nous fait traverser Ste-Foy du sud vers le nord vers le point d’arrivée situé à
moins de 7km.
Au départ,
tout le monde est très joyeux. Malgré un rhume qui a limité mes heures de
sommeil et mon manque de volume dans les derniers mois, je me sens bien. L’idée
est de rester positif. Je connais bien le trajet et le dénivelé total est
minime. Ça devrait faire. Un groupe de coureurs se prépare à faire la course
avec une joëlette où se succéderont 3 jeunes. Ils ont tous mon respect. Le
départ se faire sans tambour ni trompette, mais certains semblent vouloir en
finir rapidement et s’élancent à grande vitesse. Personnellement, je tente de
suivre mon plan de match et je cours les premières minutes avec Fred que j’ai
rencontré dans la navette. Rapidement, ce dernier semble vouloir ouvrir un peu
la machine pour dépasser un groupe de 5 coureurs. Je regarde ma montre (des
milliers d’autres fois suivront dans la journée) et je décide de le laisser
aller. Mon intuition me dit que je vais courir une majorité de cette course en
solitaire, mais je vis très bien avec cette pensée.
Que se
passe-t-il? Tranquillement, les muscles de mes cuisses commencent à me lancer
des avertissements. J’ai à peine 7 km de fait et je dois ralentir… je marche
une minute pour finalement me dire qu’il me faut reprendre ma course. Il m’en
reste beaucoup trop à faire. Arrivant au Château-d’eau, je suis rejoint par un
coureur qui s’est trompé à un embranchement. Ça me fait sourire et me change un
peu les idées. Au fond de moi, j’entends une voix qui me dit que la journée va
être vraiment longue et que je suis présentement qu’à quelques minutes de chez
mes beaux-parents. Il serait si simple de m’y rendre et de passer la journée
avec mes deux garçons qui s’y trouvent. Petite pensée à la cause pour laquelle
je cours et je chasse cette idée. Juste avant d’arriver aux Chutes Kabir Kouba,
je laisse filer mon compagnon. Je dois manger un peu et j’anticipe les
multiples marches. À ma grande surprise, le tout se passe super bien. La
section suivante est vraiment superbe, surtout au moment de traverser le petit
pont suspendu. Rendus au Boulevard Johnny-Parent, des bénévoles/policiers sont
là pour gérer la circulation. Belle attention de l’organisation. Je vais les
croiser encore quelques fois avant la fin de la course.
La
prochaine section m’est bien connue. J’y cours souvent, car je ne suis pas trop
loin de mon lieu de travail. Je sais qu’il me reste que quelques kilomètres
avant d’arriver au premier ravito. C’est donc un peu sur le pilote automatique
que je me retrouve à traverser le Boulevard Chauveau vers le ravito. Bénévoles
bien sympathiques, un peu d’eau et deux morceaux d’orange me revoici reparti.
Encore là, je connais bien les sentiers (ça sera ainsi jusqu’au Port) pour y
avoir couru si souvent. Je sais que les 5 prochains km sont parsemés de
relances et d’escaliers. Je décide donc d’essayer de courir encore le plus possible
sur le plat et de marcher dans les montées. J’ai de plus en plus de misère à
courir. Les raideurs qui avaient attaqué mes cuisses sont maintenant descendues
dans mes mollets. Je valse toujours à limite d’une crampe qui me forcera à
complètement arrêter en poussant un cri de douleur et/ou de surprise. Je
constate aussi que je commence à surchauffer. Je suis tout mouillé et il ne
pleut pas malgré un ciel nuageux. Je suis trop habillé.
En
descendant le boulevard Saint-Jacques (sur la piste cyclable), mon regard ne
peut quitter mes pieds. Je me demande : « Combien de pas il
faut pour faire un Ultra de 50km? ». Au moment d’approcher la prochaine
intersection, je vois les bénévoles actionner le passage piéton.
« Pourquoi si vite alors que je ne suis pas encore arrivé? » J’aurais
bien aimé profiter de l’attente pour me reposer un peu… tant pis! Un sourire,
un merci et je continue sans arrêter. Quelques mètres plus loin, je me dis
qu’il me faut régler ce problème de surchauffe au plus vite. Quelqu’un m’a dit
un jour « Si tu as un problème sur un Ultra, corrige le tout de suite, car
un Ultra c’est ça peut être long ». Je suis donc arrêté et j’ai changé mes
vêtements pour le chandail qui se trouvait dans mon sac. Quelle bonne idée!
Physiquement et mentalement, ce simple petit ajustement venait de me redonner
un coup de motivation. Les kilomètres suivants se succèdent sans grande
passion. Je tombe dans une zone mal définie. J’alterne la marche à des
tentatives de course. Mon alimentation commence aussi à partir en vrille. Au
moment d’arriver sur le boulevard Wilfrid-Hamel, je fais même un détour par le
IGA, car je n’ai qu’une idée : boire un Ginger Ale ou Mountain Dew!
Je
poursuis mon chemin sur le long des berges de la rivière vers la Marina St-Roch
où se trouve le 2e ravito. J’aime beaucoup cet endroit, car j’ai demeuré non
loin et j’ai travaillé sur les phases de naturalisation de ce secteur. Une voix
me tire de mes pensées. C’est un cycliste qui me demande si je fais le Trail
Urbain. Je réponds par l’affirmatif et il me félicite et ajoute que sa copine
est bénévole au 3e ravito à la Plage Jacques-Cartier. Je souris et lui dis
qu’il est fort possible que je ne puisse pas la rencontrer, car avec mon
allure, je ne passerai peut-être pas la barrière horaire qui arrive. Avec le
pouce en l’air, il me dit de ne pas lâcher et que ça va se placer. C’est sans
trop de conviction, je reprends mon chemin, mais ne voilà pas ce même cycliste
qui rebrousse chemin et vient me rejoindre sur le sentier en poussière de
pierre. Il m’offre de marcher avec moi malgré la météo incertaine et son garçon
qui se trouve dans la remorque fixée à son vélo. Je ne refuse pas l’offre. Je
ne sais plus si j’ai accepté par manque de force pour refuser ou si je me suis
dit que ça pourrait m’aider. Nous avons donc discuté quelques minutes en
marchant. Il me dit qu’avec cette allure, je devrais être ok pour arriver sans
trop de problèmes. Je n’en suis pas si sûr. Il me demande si je pense continuer
si j’arrive à temps. Bonne question! Si j’arrive à temps, je fais quoi? La
prochaine section est longue, exposée, rectiligne (pour ne pas dire ennuyeuse)
et suis-je capable de la faire avant l’autre barrière horaire? Je me recommence
à courir pour au moins me donner la chance de choisir en me disant que jamais personne
ne dira à un enfant qu’il doit abandonner devant la maladie, alors pourquoi moi
pour?
J’arrive
finalement au 2e ravito avec quelques minutes d’avance sur le temps limite. Les
bénévoles sont encore très sympathiques et me suggèrent de continuer. Je ne
suis pas blessé et je n’ai pas grand-chose à perdre. Le directeur de course,
Olivier, me dit de prendre son numéro de cellulaire en note et qu’il passera me
voir sur le Boulevard. Je fais le plein d’eau, ramasse 2 ou 3 morceaux d’orange
et je repars toujours en marchant. Non loin de l’ancien marché public, je tente
de courir un peu, mais j’ai l’estomac qui est foudroyé de grosses crampes. Je
n’ai jamais ressenti ça et décide donc de continuer à marcher. Je constate
alors que je n’ai pas mangé beaucoup ces derniers temps et je m’arrête pour
réaménager mon sac. Je décide d’ajouter des glucides liquides (HEED) à mon eau
et je remplace mes gels par une pâte de Perpetuem au café latté que je me suis
préparée à mon réveil. Je décide aussi de diminuer les électrolytes, car de
toute façon je vais devoir vivre avec mes crampes jusqu’à la fin et j’espère
limiter tout ce qui pourrait surcharger mon estomac.
Me voilà
rendu sur Dalhousie. Je sais que commence une longue ligne droite sans relief
qui me mènera jusqu’aux ponts. Tout ce dont je me souviens vraiment, c’est
qu’il commence à pleuvoir ce qui m’oblige à sortir une petite veste. À deux ou
trois reprises, je vois Olivier passer avec sa caravane noire et je lui fais
signe du pouce que tout est OK. Après avoir croisé une jeune coureuse (trop
souriante à mon goût sur le coup), je pense à sortir mon Ipod et me mettre un
peu de musique. Ceci devrait fortement m’aider à faire passer le temps. C’est
donc avec Bleu Jeans Bleu que j’ai poursuivi. Lorsque l’on arrive sous les ponts,
il n’y a que le sentier piéton qui continue et nous mène au début du Sentier
des Grèves où nous attend une longue série de marche. Encore une fois, j’ai
trop stressé en anticipant les multiples séries de marches qui montent et
descendent. C’est donc soulagé que j’arrive dans le stationnement de la Plage
Jacques-Cartier (petit trésor bien caché de la Ville).
À ma
surprise je ne vois aucune tente dans le stationnement. Tout ce que je remarque
c’est des gens qui me font de grands signes à côté d’une grosse caravane
noire... La même que le directeur de course. Il semble que le ravito soit fermé
depuis peu et c’est à l’arrière du véhicule que je peux trouver de coin de
réchauffer avec un bouillon. Ma montre indique 46 km en 7 heures.
Théoriquement, j’avais 6h30 pour me rendre ici. J’ai donc regardé Olivier, bien
déterminé à poursuivre. Soit il me laisse continuer ou je lui remets simplement
ma puce et je prends la responsabilité sur moi de poursuivre. Je ne suis pas
dans le fond des bois, je connais le chemin à suivre, j’ai un téléphone et une
carte de débit. Je crois que je pourrais survivre. Je pense encore aux enfants
à qui nous disons de ne jamais abandonner. Olivier me regarde et me dit qu’il
n’avait aucunement l’idée de m’arrêter. J’ajuste mes glucides liquides, je
passe aux toilettes et me voilà reparti dans une montée abrupte, mais le
sourire aux lèvres en chantant « Cotton
ouaté ».
Les 6
prochains km se passent sans histoire. J’ai la tête légère, mais pas les
jambes. Malgré tout, je réussis à courir pas mal tout le temps. Olivier et son
équipe me croisent de temps en temps et me lancent des encouragements. Ça fait
chaud au cœur. J’ai le même sentiment au moment de croisé la ligne d’arrivée
alors que plusieurs autres coureurs terminent leur Courir 6h. tous savent que
je suis le dernier (et de loin), mais j’entends leurs applaudissements et leurs
félicitations. Je les applaudis à mon tour, car eux aussi ont participé à la
même cause que moi. Aucune médaille à l’arrivée et c’est aussi bien ainsi. Nous
ne sommes pas là pour nous, mais pour aider ses enfants qui ne demandent qu’à
courir eux aussi.
Pendant
les dernières interventions au micro, je regarde dans la foule et je vois que
des sourires et de la satisfaction. J’en oublie mes courbatures pour quelques
instants… ou du moins jusqu’au moment de me diriger vers les douches.
Bravo à
l’organisation, aux bénévoles et à tous les coureurs. C’est avec l’action de
chacun mise en groupe que l’on peut faire changer et avancer les choses dans la
vie. Merci aux gens qui ont donné pour m’encourager et il se pourrait bien que
je sois de retour en 2020.
Commentaires
Enregistrer un commentaire